Les consultants-formateurs utilisent dans leur pratique quotidienne des « outils », parmi lesquels certains ont été modélisés, comme par exemple : l’Analyse Transactionnelle®, la PNL®, la Process Communication (PCM®), le MBTI®, le HBDI®, l’Ennéagramme, etc.
Ces outils proviennent souvent de recherches et certains d’entre eux ont donné lieu à constitution d’une personne morale chargée de leur diffusion commerciale : ouvrages de référence, tests ou profils, formation et certification, séminaires… sont ainsi diffusés et vendus de par le monde.
La plupart de ces outils ayant produit une abondante littérature, un grand nombre de praticiens les utilisent après les avoir découvert en simple lecture, sans s’être formé et encore moins certifié par l’auteur.
Que penser alors d’un tel usage « en amateur » ? Il appelle trois remarques.
Un manque de professionnalisme
L’argument classique pour ne pas se certifier consiste à dire que l’outil est suffisamment compréhensible en l’état, et qu’il n’y a donc aucune raison de dépenser de l’argent pour un « tampon » qui n’apporte rien. C’est ainsi qu’on voit l’utilisation quotidienne de centaines de concepts – Triangle de Karpman, Niveaux logiques de Dilts, VAKOG, métaprogrammes, États du Moi… – totalement déconnectés de leur modèle de référence, par des praticiens qui, pour certains, méconnaissent totalement l’environnement dans lequel l’outil a été créé, et ses conditions d’utilisation. On peut parler ici d’utilisation « sauvage » de l’outil, avec tous les dangers que cela peut représenter pour les apprenants.
Un problème déontologique
Il est facile pour un praticien de se dire « spécialiste » d’un outil, et d’impressionner des stagiaires souvent peu au fait des sciences humaines. Quand cette pratique est « bienveillante » les risques sont minimes, mais des « gourous » passent par les mailles du filet et font du mal aux professions de l’accompagnement. C’est pour cette raison que ces métiers commencent à définir des cadres déontologiques – comme par exemple les associations et fédérations de coaching. Le secteur de la formation n’est pas encore encadré à ce niveau, mais cela ne saurait tarder car c’est une suite logique de l’introduction de la démarche qualité depuis les lois 2014 et 2018 (Qualiopi), qui certes ne touchent pour l’instant que les processus documentaires. Cependant, les critères 5 et 6 de Qualiopi sont une porte ouverte sur une future certification de la qualité des intervenants.
Une atteinte à la propriété intellectuelle.
L’utilisation d’outils sans en avoir payé les droits constitue un délit. Certes, l’usage d’un concept dans une formation passe inaperçu, mais l’utilisation de « tests » réalisés sur Internet en dehors de l’environnement algorithmique du concepteur est clairement un « pillage », du même niveau que celui auquel le monde de la formation commence à être confronté avec la numérisation des modules sur des plateformes de clients, qui réutilisent ensuite les modules sans payer les droits au formateur concepteur…
Oui mais… la certification ne fait pas tout !
Au-delà des trois remarques précédentes, il faut aussi constater qu’une certification – labellisation, formation, etc. – ne garantit pas tout ! François Delivré, auteur du « Métier de coach[1] » et cofondateur de l’Académie du Coaching, nous livre son expérience sur ce point : « Certains éléments fondamentaux du métier de relation d’aide ne peuvent pas faire l’objet d’une certification rigoureuse. J’ai ainsi connu des personnes qui s’engageaient dans le métier de coach avec de solides connaissances et apparemment un savoir-faire assuré mais qui, à l’expérience, œuvraient ensuite de façon désastreuse : manque criant d’empathie, interprétation sauvage à l’aide d’outils pourtant maîtrisés, incapacité de parler de soi en vérité au client, manque d’humilité par rapport aux limites des outils et approches utilisés, etc. »
En conclusion…
Il revient à chacun de nous de se définir par rapport à ces éléments. Pour le moins, un praticien qui se dit « professionnel » devrait certainement disposer de 2 certifications :
- l’une concernant sa pratique ;
- L’autre concernant son « référent », c’est-à-dire la méthode principale avec laquelle il agit au quotidien.
Par exemple : « coach certifié par telle école, formé aux structures psychiques (DSM-IV) » ; « formateur certifié FPA et accrédité par l’ICC pour les formations aux règles Incoterms® 2020 ».
Au-delà des certificats, un praticien qui agit de manière « réflexive », en s’interrogeant et en interrogeant continuellement sa pratique, par exemple avec un superviseur ou des pairs, développe une attitude d’amélioration continue qui évite de s’ancrer dans des comportements figés. Cette posture permet d’agir avec humilité, en reconnaissant les limites d’application des outils, modèles ou approches qu’il utilise, ce qui est le fondement d’un vrai professionnel.
Enfin, reconnaissons que même si certains outils paraissent facilement accessibles pour ne pas s’y certifier, le cadre institutionnel, réglementaire et juridique, ainsi que le marché – les clients vont de plus en plus être vigilants à la qualité des intervenants – vont inéluctablement pousser vers une professionnalisation des pratiques.
Gageons que les métiers de l’accompagnement y gagneront en crédibilité et en légitimité !
Jean-Christian Bourion, administrateur QualiPro-CFI
12/04/2021
[1] Éditions Eyrolles